UNION LOCALE de la CNT de NANTES
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Site des syndicats nantais et de Loire-Atlantique (44) de la Confédération Nationale du Travail (CNT)

Révolution et désir
Article mis en ligne le 18 décembre 2009
dernière modification le 23 janvier 2010

Université Populaire CNT 44- compte rendu

LA REVOLUTION SEXUELLE A-T-ELLE EU LIEU ?

(Ce qui suit est la transcription largement refondue d’une intervention faite le mardi 13 octobre à nantes, mairie annexe de la Barderie- La forme a été entièrement revue et de nombreux éléments particuliers effacés. L’intitulé de départ a été gardé mais la question n’a pas été traitée telle quelle ; il s’agit plutot de la question des possibilités révolutionnaires de la sexualité et du désir. La bibliographie donnera des pistes pour des approches plus approfondies et plus concrètes du problème de la séxualité comme acte de révolution (voir Deleuze et Guattari) et d’autres qui lui sont liés)

Introduction

Il s’agit d’abord d’examiner la question telle qu’elle est posée. Le problème n’est en fait pas de répondre par l’affirmatif ou par la négative, mais d’abord de savoir ce qui est supposé dans notre question.
C’est l’idée de "révolution sexuelle" qu’il faut interroger. Qu’exprime-t-elle ? et est-elle seulement possible ?

Qu’est ce qu’une révolution, tout d’abord ? -Dans un sens minimal, toute révolution suppose l’idée de retour, de retournement d’un état de fait : c’est l’acte ou l’evenement par lequel des determinations minoritaires actives passent au rang de déterminations dominantes. La révolution, telle qu’on doit l’entendre içi, c’est avant tout la révolution dans le champ social et donc humain ; on la prendra donc au sens de "révolution volontaire", qui doit pouvoir éxprimer un désir collectif et lui donner les pleins pouvoirs.

Pour ce qui concerne la sexualité, seules quelques remarques s’imposent ; -Comme la psychanalyse et le Freudisme ont pu le laisser voir, la sexualité n’est pas simplement affaire de reproduction, mais est affaire de psychologie personnelle. La sexualité est d’ailleurs un terme qu’on remplacera par celui de Libido, qui englobe non seulement la sexualité, mais l’ensemble des comportements individuels qui relèvent du désir. Il y a autant libido dans le désir "charnel" que dans le désir d’argent, le désir de pouvoir, de visibilité, de postérité, etc. L’agent ou concept central, c’est toujours le désir, qui, pour être compris, doit impliquer toute la compléxion psychique ou émotionnelle de l’individu désirant. Desir et Libido sont exactement correlatifs, mais on verra que selon qu’on refere à l’un ou l’autre de ces termes, ils renvoient à des théorisations differentes. -Ensuite, si la libido se comprend sous l’angle de l’individualité, elle se comprend à fortiori sous l’angle du collectif. L’individu est de toutes parts débordé par des determinations exterieures, c’est à dire sociologiques. Pour le dire autrement, la société détermine l’individu, et la sociologie doit donc s’integrer dans la psychologie.

La révolution sexuelle est donc le passage d’un régime où le désir et la libido sont dominés, à celui où ils deviennent principe et fin de la vie humaine.

Du désir au pouvoir

Si l’on comprend le désir comme force suceptible de prise du pouvoir, c’est qu’il est d’abord compris comme force dominée, exclue.
L’analyse du désir dans un tel état a été faite de differentes façons, mais renvoie toujours à la domination ou à la minoration du désir par des pouvoirs exterieurs.
On peut traiter de trois de ces analyses par ordre de radicalité : -Foucault et le désir saisi par le pouvoir politique et scientifique -Reich, et le désir détourné de son essence par la société et le mode de vie capitalistes -Deleuze et Guattari, et le désir comme déterminant unique de l’action politique et sociale.
Dans son histoire de la séxualité, michel Foucault expose les façons dont le désir a pu être objet d’attentions particulières de la part des forces politiques. C’etait alors toujours le mode de société qui déterminait "l’usage des plaisirs" et leur comprehension. Deux formes sociales sont analysées : société d’enfermement et société de contrôle. Dans la première,la morale est aux commandes, et bien plus que la morale, c’est le pouvoir dominant qui a pouvoir de vie et de mort. Ce qui est exclu, par enfermement (voir l’histoire de la folie et surveiller et punir) ou par la mise à mort, c’est d’abord ce qui contredit ou contrecarre les influences du pouvoir. En milieu chrétien et monarchiste, c’est l’insulte ou l’affront à la religion et au roi qui est blâmé et condamné. C’est dans de telles sociétés que naissent les asiles, les maisons de correction, et les mises à mort spectaculaires à usage social,lieux d’exemple et de mise en évidence du pouvoir royal et seigneurial. Içi, le désir minoritaire est empeché dans son expression. Mais une phase fait transition entre cette periode autoritaire et la période de contrôle. C’est celle de l’avenement du pouvoir scientifique ; il pretend à l’étude empirique, et use alors des institutions d’enfermement pour reccueillir ses premières données. Puis la science établie pretend corriger les "déviants", homosexuels, masochistes, hystériques, etc. La términologie qui sérvira plus tard à l’étiologie des névroses fait là sa première apparition. De la naissent les instances de surveillance qui font la société de contrôle, et les mécanismes de répression individuelle. La répression, sous toutes ses formes, y compris au sein même des familles, "informées" de ce que sont une bonne hygiène et une bonne éducation par des campagnes de santé publique, cette répression donc n’est plus le fait de l’autorité politique elle-même, mais se contente d’user des moyens (essentiellement materiels) que celle-ci lui offre pour diffuser dans la morale publique et privée ses pouvoirs nouvellement acquis auprès des forces dirigeantes. Cette période commence selon Foucault vers la fin du 18e siècle et subit transformation sur transformation jusqu’à nos jours. Et c’est effectivement des les débuts du 19é que sont inventés les instituts de "soin" aux enfants masturbateurs ou encore les machines de répression privée du corps, corps des enfants et des femmes en particulier. A cela s’ajoutent les mesures politiques : campagnes hygiénistes, la surveillance et les conseils (ou menaces) prodigués aux adolescents, les premières cures psychiatriques, etc.. Dont le but unique est le contrôle et la "correction" des déviances sociales à des fins de correction de la société elle-même. Içi s’allient à la fois les normes sociales bourgeoises et , pour l’essentiel, chrétiennes puis républicaines, et les politiques volontaristes qui prétendent à la fabrication d’une société sur-mesure pour ces normes.
Mais un element n’entre pas en vigueur : La science naissante qui prétend agir efficacement sur les comportements n’explique pas leur provenance, et ne semble s’occuper que de leur déstination et de leurs effets. Freud opère une coupure avec cette logique : l’objet d’étude primordial devient l’ensemble causal des névroses. La question de la psychologie est celle-ci : de quoi ces comportements sont-ils les effets ? puis à nouveau, comment les corriger ? (et c’est par cette deuxième interrogation que la psychanalyse persiste dans la logique décrite par Foucault). On connait à present la théorie freudienne, qui s’est imposée dans l’imaginaire collectif aussi bien que dans les moeurs scientifiques et médicales : la névrose est la conséquence de conflits infantiles non résolus, qu’il s’agit de faire revenir à la conscience par la cure de parole (cure psychanalytique). Mais cette théorie deviendra celle-ci : la névrose est la conséquence de conflits infantiles avec la mère et le père. C’est la théorie oedipienne, ou théorie de la castration originaire dans le triangle oedipien "papa-maman-moi". Mais un élève de Freud, Wilhelm Reich, changera de paradigme, au point de rompre avec Freud et la psychanalye instituée, pour lui préférer une conception (la première du genre) de la libido généralisée. Dans L’irruption de la morale sexuelle il opère la jonction entre psychologie et ethnologie, en étudiant les sociétés matriarcales et patriarcales (c’est à dire,aux regard de la totalité des documents ethnologiques d’alors, celles de la libre sexualité et celles de sa répression) plus particulièrement sous l’angle du régime de production et de répartition des richesses. Il découvre dans la mécanique capitalistique et sa logique d’héritages intra-familiaux la source de la répression de la séxualité comme simple désir. C’est le moment de l’instauration du mariage comme contrat essentiellement economique, qui vient briser ce qu’il appelle "l’économie sexuelle", économie de la gestion libre du désir. Le désir est alors sans cesse dirigé et maîtrisé de force (par la morale et l’autorité patriarcale) dans la sens d’un enrichissement permanent de la famille du mâle dominant ou chef de clan. Alors, non seulement l’economie, non seulement la morale, mais les institutions elles-mêmes (mariages, codes juridiques, systèmes de repression du corps..) deviennent le moyen ou le circuit par lequel passe le courant consummériste. C’est aussi à ce moment que la femme devient marchandise, moyen de prise de pouvoir financier par l’alliance entre familles, et c’est donc là que naissent les mécanismes de répression du féminin, objet d’échange trop précieux pour être laissé à l’individualité féminine elle-même. C’est là la théorie de la dégéneressence du désir en désir de biens. Le lien est fait par Reich entre cette irruption du contrôle de la sexualité et son détournement en névrose, voire en "névrose de masse". Par là Reich entend les phénomènes socio-politiques tels que le nazisme, et la libido (dé)tournée vers le Führer, la race, le sang, le territoire, comme biens devenus absolus en même temps que la morale patriarcale et le pouvoir politique (formes d’autorités) lui-même. Le nazisme, aussi bien que la religion du capital ou que le "fascisme rouge" sont les manifestations du désir comprimé, dirigé, banni vers les interêts qui lui sont le plus exterieur : le gain d’autorité symbolique et de possession materielle.
Et ensuite peut s’ajouter une dernière étape de la théorie de la libido généralisée : la libido comme puissance tout à la fois individuelle, sociale, politique, et économique. On en trouve un exposé dans L’anti-oedipe de Gilles Deleuze et Felix Guattari. On comprend alors la psychanalyse (freudienne) comme nouveau vecteur des forces repressives. A un moment donné, la libido devient le pretexte à la consolidation de la logique morale induite par le capitalisme (n’oublions pas le sous-titre de L’anti-oedipe : capitalisme et schizophrènie 1, dont le deuxième volume est mille plateaux). La théorie de la castration originaire tend, de plus en plus à mesure que l’oeuvre de Freud se précise, à devenir l’alibi du familialisme. La libido est enfermée dans la boucle : papa-maman-moi, et toute puissance désirante est déterminée par (et se doit de revenir à) des rapports intra-familliaux, et sert avant tout à la conservation de cet ordre, qu’on peut qualifier aussi d’ordre bourgeois, celui même qui s’est constitué sur et autour de la société du contrôle patriarcal (d’où Freud est issu). Ce qui est dénié, c’est la puissance et le "devenir révolutionnaire" de tout désir. Devenir qui met à chaque instant en péril l’ordre établi. Le désir infantile est conduit à toutes forces à son inscription dans le champ social existant, et doit être pour cela "façonné", déterminé à renforcer l’ordre dominant. La psychananyse est alors, malgré son effort initial de pure compréhension de la libido, l’instance périphérique du système de l’accumulation des bien, comme Reich le dénnonçait ; Mais elle est encore l’héritière du désir de contrôle qu’a analysé Foucault. Elle perpetue la diffusion des phénomènes plus particuliers que sont la phallocratie, le séxisme en général, mais aussi le masochisme et la schizophrénie, qui sont de tres puissants agents de production de désirs capitalistiques. La libido (contemporaine pour tout dire) parvient à un état de délabrement tel que c’est avec l’avenement des moyens de consommation (sexualité virtuelle, anxiolitiques, clubs, prostitution touristique...) qu’elle tend à ne trouver de zones d’expression que dans la consommation elle-même. Cette conception prend place dans la première tentative, toujours chez Deleuze et Guattari, de compréhension du désir comme désir machinique ; l’être humain, comme animal, est "machine désirante", dont le désir se reproduit sans cesse, dans le mouvement même de la vie cellulaire et psychique, à partir des matériaux laissés ça et là par la société déjà existante. Si le désir n’est plus objet de répressions c’est qu’il est pris comme moteur, et s’il est réprimé, c’est qu’il n’a pas (encore) été crée, pour lui, de lieux par lesquels il peut l’être ou le devenir, du fait d’une morale existante ou d’une impossibilité "téchnique" d’en user en régime capitalistique (voir la pédophilie ou la séxualité infantile). La libido est en fait tellement généralisée, qu’elle est en fait, en differents points, l’acteur de sa propre répression ou de son propre usage à des fins sociales et politiques.

Impossibilité de la révolution sexuelle

La conséquence quant à notre question de départ, c’est l’impossibilité, la contradiction dans les termes, d’une quelconque révolution du désir. Premièrement, le désir n’est pas chose que l’on prend en main pour un certain usage sans le NIER en un certain sens, puisqu’il doit être uniforme et concerner de façon égale l’ensemble des agents de la révolution dont il serait l’objet. Et deuxièmement, l’usage révolutionnaire du désir, c’est encore un usage du désir, une négation du désir, cette fois à la manière dont il est DEJA nié dans la société qui fait déjà usage de lui. En faire usage pour ce qu’il n’implique pas immédiatement, c’est lui refuser son expression en tant que désir, désir dans un monde particulier à un moment particulier, et penser saisir ce qu’il implique immédiatement, c’est lui nier sa versatilité. En terme d’éthique, donner une téléologie, une fin à un désir qui n’est pas déjà accompli, c’est le nier comme liberté.

Nécessité de la séxualité révolutionnaire

Par "nécessité de la séxualité révolutionnaire", il faut entendre écoute de la part révolutionnaire du désir, de son propre désir, afin de laisser passer ce qui, en lui, n’est pas détérminé par la nécéssité sociale, qu’elle soit familiale, économique ou purement symbolique, et ,par là, créer les espaces de son expression propre. Cette nécessité est la même que celle de determiner à nouveaux frais quels sont les besoins réels de l’individu et du collectif, et la même nécessité aussi de passer d’une économie héteronome de la marchandise à une économie autonome (ou la plus autonome possible) du désir pris en lui-même dans un idéal, quoi qu’on en dise, libertaire par nature.


Bibliographie :

- Foucault-Histoire de la séxualité(T.1 à 3) - Surveiller et punir - Histoire de la Folie à l’âge classique-
- Deleuze/guattari -L’anti-oedipe-
- W.Reich- L’irruption de la morale séxuelle - la psychologie de masse du fascisme -L’analyse caracterielle -Reich parle de Freud-
- Points de vue psychanalytiques : - Freud- la vie sexuelle -3 essais sur la théorie sexuelle -Etudes sur l’hystérie- Introduction à la psychanalyse-
- J.André-La séxualité féminine-
- D.Dumas-La séxualité masculine-
- Pour une approche historique, ethologique et comportementale : Boris Cyrulnik-Sous le signe du lien - Un merveilleux malheur-
H.Laborit -Biologie et structrure -Eloge de la fuite -l’agressivité détournée-
F.Angel- psychopathologie de la vie quotidienne sur le net-
G.Vigarello-Histoire du viol-
- Projets politiques à partir d’une interpretation du désir : -P.Londeix-le manifeste Lesbien
- comité invisible-L’insurrection qui vient
- Th.Schaffauser/M.Nikita-fières d’être putes
- Guy Debord-la société du spectacle
- R.Vaneigem-Nous qui désirons sans fin- traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations-
- Analyses Liberales de la séxualité, son évolution et ses implications : -A.Giddens- la transformation de l’intimité
- R.Ogien-L’éthique aujourd’hui-


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