Camarades,

Nous venons de vivre une crise au sein de Visa. Elle se solde par une « médiation » qui n’a, en moins de deux heures, fait qu’entendre les parties sans proposer ni même esquisser de scénario de solution. Pendant plusieurs mois, nous avons expliqué et étayé nos positions, nos demandes. Nous tenons à revenir sur des éléments dans la conduite de ce conflit qui nous ont pour le moins étonné·es. 

À partir du moment où personne ne veut reconnaître que ce qui a créé problème ce sont des situations où les réflexes patriarcaux ont pris le dessus, on constate que le couvercle est vite reposé sur ce qui sera retenu comme un « incident ». Une question a été posée aux organisations de VISA 44 :

« Souhaite-t-on un VISA sans femmes ? ».

Autrement dit, la lutte antifasciste peut-elle se passer des acquis, des préoccupations, des manières de faire et d’être du féminisme ? Pour la CNT 44, ce n’est pas possible.

Y a-t-il une priorité à sauver « l’outil VISA » au détriment de principes de lutte contre certaines dominations, mais pas toutes, y compris quand elles apparaissent dans nos rangs ? Ce n’est pas un scoop : ces questions traversent tous les groupes militants, syndicats, collectifs, etc, avec d’autant plus de dégâts quand rien n’est fait pour les prendre en compte. VISA a souhaité résoudre la situation sans même entendre les camarades sexisées mandatées au bureau de VISA44. Et les directions syndicales (FSU44, Solidaires44 et CGT44) ne semblent avoir donné du crédit qu’à la parole de l’agresseur et de son organisation.

Nous avons été très surpris·es de voir que les premiers constats faits en commun par les différentes organisations (CNT, FSU et Solidaires), reconnaissant des formes de violences patriarcales exercées par des mandatés CGT, ont été retournés, minimisés, voire carrément niés après coup par les directions de Solidaires 44 et de la FSU 44, en appui de la version de déni total de la CGT 44.

Au nom de quels intérêts supérieurs ? Au nom de quels calculs stratégiques ?

Pourquoi les directions de la FSU et de Solidaires se sont-elles après coup rétractées, puis rangées derrière la CGT et ont même pris sa défense ? Sur le moment, ces organisations syndicales, par l’intermédiaire de leurs mandaté·es, ont pourtant manifesté leur réprobation de ces agissements patriarcaux et étaient prêtes à écrire un courrier à la CGT 44 pour les dénoncer, avant que leurs directions syndicales réduisent finalement les faits à un mauvais épisode sur lequel il serait devenu urgent de ne pas s’attarder, et à surtout passer sous silence.

Autre surprise, un mandaté qu’on aura découvert entre-temps accusé de violences sexistes et patriarcales est mis à l’écart de VISA 44 et de son organisation, tandis qu’un second mandaté, de la même organisation, coche la même case. Mais lui, non, pas question de le démandater. Il semble que s’opère à VISA une hiérarchisation de traitement des comportements problématiques : personnes à écarter ou à maintenir. Encore une fois quelles en sont les raisons ? Quelle en est la logique ?

Les exclusions pour VSSP serviraient-elles alors à maquiller des manœuvres politiques ?

Au début de la création de Visa 44, la CNT 44, un des plus petits syndicats autour de la table, mais actif, sans permanent·es, a pu trouver sa place. Chaque organisation avait justement une voix à égalité avec les autres. Quand nous avons dénoncé des violences sexistes et patriarcales au sein de l’intersyndicale, le mandaté CGT en question nous a rétorqué que la CGT aurait très bien pu prendre le pouvoir à VISA 44 et qu’elle était très bien partie pour le faire. Que faut-il comprendre dans cette déclaration d’un mandaté de la CGT ? Faut-il remercier la CGT de laisser Solidaires, la FSU, le SAF et la CNT participer à la lutte syndicale antifasciste à armes égales ?

Les logiques d’appareil ont-elles repris le dessus dans les intersyndicales nantaises comme dans VISA ?

Il semblerait bien que oui, puisqu’il nous a été donné à entendre qu’il fallait à tout prix sauver l’outil VISA. Pour cela les directions des organisations syndicales majoritaires de VISA 44 n’ont pas hésité à imposer unilatéralement leur agenda et leurs décisions. L’article 4 de la Charte de VISA 44, validée en 2024, à propos de la « recherche de consensus » à privilégier, nous a été lu au début de la réunion du 27 mars 2025. Nous en avons vainement attendu la manifestation concrète. La dite recherche a été oubliée de bout en bout et c’est le rapport de forces, décrié dans cette même charte, qui a prévalu pour le résultat que l’on connaît.

Voilà nos réflexions sur ce qui aurait pu facilement trouver d’autres voies de résolution, en se rappelant que le fascisme que nous combattons tou·tes s’affirme masculiniste, viriliste, ethnocentrique, se vivant comme l’idéologie des « seuls hommes » contre toutes les autres catégories, dont celle des femmes et plus largement des personnes sexisées. C’est donc en intégrant le féminisme qu’on pourra combattre ce fascisme. Il parait incompréhensible qu’on ne s’applique pas les mêmes préceptes dans nos rangs. Quand on se dote d’une Charte Égalite femmes/hommes (comme la CGT par exemple) et après avoir édité un document intitulé Combattre les violences sexistes et sexuelles [1] avec une partie concernant la lutte contre les violences en interne, avoir une attitude antisexiste responsable semble logique et cohérent. Nous vous recommandons donc une relecture attentive et concernée de l’encadré figurant à la page 84 en vue d’adopter le comportement militant antisexiste approprié, lequel semble avoir brillé par son absence chez les responsables de vos OS à VISA ces derniers mois.

Il n’est jamais trop tard !

Salutations Anarcho-syndicalistes et Syndicalistes Révolutionnaires… et antifascistes !

Les syndicats CCS et SINR de la CNT 44

Lettre ouverte de la CNT44 à VISA et ses OS