Etat des lieux des conditions de travail des archéologues en Pays de la Loire
La réforme des retraites imposée par le gouvernement cristallise de nombreux problèmes liés aux conditions de travail au sein de notre discipline, l’archéologie, déjà fortement impactée par la précédente réforme de l’assurance chômage. Elle rencontre une franche opposition chez les archéologues. A Nantes, une centaine d’archéologues de tous les horizons (Inrap, Archeodunum, Eveha, CD 44 et 85, Nantes métropole, CNRS, Université, étudiant.es et enseignant.es, chomeur.euses et précaires, CLAN, CGT, CNT et SUD Culture Solidaires) s’est mobilisée le 7 mars et s’est constituée en assemblée générale. Tous témoignent de la précarité et de la pénibilité constitutives de l’archéologie préventive, dont les effets délétères sur les collègues et la profession sont constatés depuis plusieurs années, et qui ne font que s’accentuer.
I. Etat des lieux
A/ La précarité de l’archéologie dans les Pays de la Loire
Le premier constat est celui d’une précarité généralisée, quel que soit l’opérateur, sur laquelle repose entièrement le fonctionnement de l’archéologie préventive en France.
Dans les services de collectivités territoriales (Nantes Métropole et CD44), seuls les responsables d’opération (RO) sont des agents permanents, condition obligatoire pour l’obtention d’agréments ou des habilitations pour chaque période chronologique. Toute l’activité repose donc sur l’embauche de contrats CDD (technicien.ne.s de fouille et spécialistes), sans lesquel.le.s aucune opération ne pourrait être menée, ce qui ne correspond pas à « l’accroissement temporaire d’activité » qui justifie l’emploi de CDD. A Nantes Métropole par exemple, si l’on cumule l’ensemble des CDD depuis 2018, ce sont 5 à 7 équivalents temps plein (ETP) engagés en CDD tous les ans. De plus, certains agents sont CDD à la métropole depuis plusieurs années (depuis 2015 pour le plus ancien...), sans que les carences ne soient respectées entre leurs contrats, et sans que la perspective d’une pérennisation de leur poste ne leur soit proposée. Au CD44, on comptabilisait 5,6 ETP en 2019, 8,2 en 2020 et 2021, et 9,2 en 2022 qui se répartissent entre 14 contractuels. Ainsi, ce sont au moins une dizaine de postes permanents qui auraient pu être créés dans les collectivités, et dont le besoin est confirmé depuis 5 ans. Des contrats de projet ont été mis en place au département depuis 3 ans, et à la Métropole depuis cette année, alors que l’ouverture de postes de titulaires aurait été largement justifiée. Ces postes sont proposés à des responsables d’opération ou à des spécialistes, normalement pour répondre à un projet spécifique. Hors, les besoins étant importants, celles.eux-ci se voient confier d’autres projets en cours de route, sans pouvoir mener à bien la mission pour laquelle iels avaient été engagé.e.s, et sans perspective de prolongation ou de pérennisation de poste à la clé. L’accroissement du nombre d’ETP reflète l’augmentation de l’activité en Pays de la Loire, sans que cela ne débouche sur la création de postes. Les besoins étant constants, certains agents passent d’une collectivité à l’autre tous les ans en raison des carences, sans pouvoir voir l’aboutissement de leur travail.
Cela entraîne une fatigue psychique importante chez les agents à qui on ne propose que des contrats courts, renouvelés au cas par cas, parfois d’un mois sur l’autre, ce qui empêche donc de pouvoir se projeter à plus de quelques mois, avec toutes les contraintes que cela peut entraîner d’un point de vue personnel et financier. C’est le cas également pour les agents permanents qui voient leurs collègues changer constamment, sans parfois avoir la garantie pour un responsable d’opération que les CDD engagé.e.s dans le cadre d’une fouille soient bien présent.e.s jusqu’à la fin de l’opération (et de la post-fouille), ce qui nuit au RO, au CDD lui-même, et à la qualité scientifique du rapport d’opération.