Etat des lieux des conditions de travail des archéologues en Pays de la Loire
La réforme des retraites imposée par le gouvernement cristallise de nombreux problèmes liés aux conditions de travail au sein de notre discipline, l’archéologie, déjà fortement impactée par la précédente réforme de l’assurance chômage. Elle rencontre une franche opposition chez les archéologues. A Nantes, une centaine d’archéologues de tous les horizons (Inrap, Archeodunum, Eveha, CD 44 et 85, Nantes métropole, CNRS, Université, étudiant.es et enseignant.es, chomeur.euses et précaires, CLAN, CGT, CNT et SUD Culture Solidaires) s’est mobilisée le 7 mars et s’est constituée en assemblée générale. Tous témoignent de la précarité et de la pénibilité constitutives de l’archéologie préventive, dont les effets délétères sur les collègues et la profession sont constatés depuis plusieurs années, et qui ne font que s’accentuer.
Chez les opérateurs privés, le recours aux contrats à durée déterminée, précaires par nature, est la norme pour les archéologues technicien.nes de fouille. Le recours à l’interim, s’il donne accès à des primes et contourne les carences entre les contrats, pénalise la carrière des collègues et constitue une incitation et une fuite vers l’infra-emploi. Il est parfois difficile de se procurer les chiffres exacts du nombre de CDD et intérimaires à l’échelle des structures, on constate cependant que pour 6 chantiers d’un des opérateurs privés en cours ou venant de s’achever dans les Pays de la Loire, le ratio est en moyenne de 3 CDI pour 4 CDD/intérimaires. Comme pour les opérateurs publics, les recrutements sont orientés vers des profils de responsables d’opérations, responsables adjoints et spécialistes. L’agence Nord-ouest de cet opérateur constituée de 25 archéologues a par exemple recruté en CDI 9 archéologues ces deux dernières années pour répondre au surcroit d’activité, dont une seule technicienne de fouille. Chez un autre opérateur privé à l’échelle nationale, l’embauche des contrats en CDD représente environ 20 % de la masse salariale. Les contrats en CDD ne sont pratiquement que des postes de technicien.ne.s ou d’agents de maîtrise dont environ 60 % de femmes. De plus environ 80% des contrats sont pour la partie terrain des chantiers de fouilles.
A l’Inrap, les chiffres ne sont pas non plus connus à l’échelle de la structure mais le recours aux CDD est également important. L’établissement a en outre les salaires les plus bas de la fonction publique, avec des agents qui commencent en CDD en dessous du smic, revalorisé par une prime qui ne compte pas pour le calcul de la retraite. La question de la transmission générationnelle des savoirs et pratiques se pose particulièrement pour l’Inrap, dont près d’un tiers des agents va partir à la retraite dans les années qui viennent, sans que les plans de recrutement mis en place ne suffisent à compenser les départs (retraites mais aussi licenciements et ruptures).
Enfin, la précarisation des archéologues est institutionnalisée dès l’apprentissage de la discipline. En effet, l’expérience de terrain demandée aux étudiant.es et aux jeunes diplômé.es pour se former et trouver un emploi est tributaire de leur investissement bénévole sur les fouilles programmées estivales. Cette pratique révèle et accentue les inégalités entre les étudiant.es, puisque les plus précaires travaillent l’été, et ne peuvent s’investir pleinement pour leur formation. Toute la recherche programmée repose sur le travail bénévole des étudiants, sans que celui-ci soit gratifié ou comptabilisé pour la retraite, alors qu’il peut parfois représenter plus d’un an en cumulé pour certain.es. Le manque de budget alloué aux fouilles programmées entraîne des économies faites par les responsables d’opération au détriment des bonnes conditions de travail des étudiant.es pouvant parfois être qualifié de maltraitance. En effet, les bénévoles sont souvent logé.es dans des conditions sanitaires déplorables, manquent parfois de nourriture, ne sont pas fourni.es en EPI au mépris des règles de sécurité, peuvent se voir imposer des rythmes de travail extrêmement soutenus (voir sans jour de congé du tout pendant plusieurs semaines), et dont les déplacements jusqu’au lieu du stage ne sont pas remboursés. S’ajoute à cela des conditions de promiscuité et d’isolement pouvant favoriser des comportements à risque, qu’iels n’osent pas dénoncer lorsqu’ils proviennent d’enseignants ou de professionnels dont dépend l’obtention de sujets de master ou de futurs contrats. De nombreuses structures (musée, laboratoire, opérateurs…) abusent également du travail à moindre coût des étudiant.es par le biais de stages de master pro avec des conventions à géométrie variable (gratification, défraiements, jours de congé…), ou dans le cadre de leurs mémoires pour des études qui n’entrent plus dans le budget des opérations, et remplacent un contrat de spécialiste.